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Abus de droit en financement intra-groupe : Analyse de la décision CE, 20 décembre 2024, n°475927, Bayer SAS

Dans un contexte où les administrations fiscales sont de plus en plus attentives aux montages intragroupes, la décision rendue par le Conseil d’État le 20 décembre 2024 (n° 475927) constitue un rappel important des risques liés à l’utilisation de schémas fiscaux artificiels. Cette affaire met en lumière les critères permettant de qualifier un montage d’ abus de droit en financement intra-groupe, au sens de l’article L. 64 du Livre des Procédures Fiscales (LPF).


Conseil d'état

Les faits de l’affaire : un financement intragroupe sous surveillance

Dans cette affaire relative à un abus de droit en financement intra-groupe, une société avait émis 1 500 obligations convertibles, souscrites par la succursale allemande de BNP Paribas. Ces obligations présentaient les caractéristiques suivantes :

  • Un taux d’intérêt élevé de 9,13 %, bien supérieur à la moyenne du marché.

  • Une clause de conversion des obligations en actions, conditionnelle et contrôlée.

En parallèle, BNP Paribas avait conclu un contrat de vente conditionnelle des actions issues de la conversion avec une société néerlandaise, sœur de la société émettrice. La société sœur néerlandaise percevait une rémunération annuelle de 5,1 % dans le cadre de ce montage.

Cependant, l’administration fiscale a relevé que :

  • BNP Paribas ne supportait aucun risque réel lié à la conversion des obligations en actions.

  • La société mère, associée unique des deux filiales, contrôlait entièrement les conditions d’émission et de souscription, ce qui retirait toute indépendance aux parties.

  • La société sœur néerlandaise ne prenait aucun risque supplémentaire, malgré la rémunération perçue.

Ces éléments ont conduit l’administration à requalifier ce montage comme un abus de droit, car il était dépourvu de substance économique et visait principalement à réduire l’imposition.


La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État a validé l’analyse de l’administration fiscale, estimant que ce montage constituait un abus de droit fiscal au sens de l’article L. 64 du LPF. Cette disposition permet de requalifier des actes ayant un but exclusivement fiscal, sans fondement économique réel.

Les juges ont souligné les caractères artificiels du montage :

  1. Absence de risques réels pour les parties impliquées : La succursale de BNP Paribas jouait un rôle purement formel sans prendre de risque financier.

  2. Contrôle total par la société mère : Celle-ci disposait du pouvoir de décider de l’émission des titres, de leur souscription et des éventuelles conversions.

  3. Rémunération sans justification économique : La société sœur néerlandaise recevait une rémunération alors qu’elle ne contribuait pas activement au financement.

En conséquence, l’administration fiscale a pu imposer les sommes concernées en retenant la véritable nature de l’opération.


Les enseignements de cette décision

Cette jurisprudence illustre plusieurs points clés à considérer pour éviter un redressement fiscal lié à un abus de droit dans les montages intragroupes :

1. Justification économique réelle

Un montage fiscal doit être soutenu par des justifications économiques crédibles. L’administration fiscale veille à ce que chaque partie impliquée dans un financement intragroupe prenne des risques proportionnés et dispose d’une autonomie réelle.

2. Substance économique et indépendance

Les transactions entre entités d’un même groupe doivent refléter une réalité économique et non un simple transfert artificiel d’intérêts. L’absence de substance ou le contrôle total par une société mère constituent des indices d’un schéma artificiel.

3. Risque fiscal accru pour les groupes multinationaux

Les autorités fiscales sont particulièrement vigilantes vis-à-vis des flux financiers intra-groupe impliquant plusieurs juridictions. Les taux d’intérêts déconnectés des conditions de marché ou les rémunérations injustifiées sont souvent perçus comme des indices d’abus.

Conclusion

La décision du Conseil d’État dans l’affaire Bayer SAS rappelle l’importance pour les groupes multinationaux de sécuriser leurs opérations intragroupes afin d’éviter des redressements fiscaux pour abus de droit. En l’absence de justification économique solide et de substance réelle, les schémas intragroupes sont exposés à un risque important de requalification.

Les entreprises doivent s’assurer que leurs pratiques respectent les principes de transparence, de substance et de proportionnalité. Ce cas constitue un signal fort : l’optimisation fiscale ne doit jamais primer sur la réalité économique.



Pour approfondir le sujet ou sécuriser vos pratiques, n’hésitez pas à consulter un avocat.

 
 
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