Droits des créanciers obligataires en cas de procédure collective
- Kahina BENNOUR
- 19 oct.
- 4 min de lecture
Les créanciers obligataires occupent une place particulière dans les procédures collectives : ni simples fournisseurs, ni établissements de crédit, ils forment une catégorie de créanciers financiers disposant de règles spécifiques issues du Code de commerce et du Code monétaire et financier. Leur rôle devient essentiel dès qu’une société émettrice d’obligations se trouve en redressement ou en liquidation judiciaire.
Mais quels sont les droits des créanciers obligataires en cas de procédure collective? Peuvent-ils influencer le plan de redressement ou défendre leurs intérêts lors d’une cession d’entreprise ?

1. Le statut particulier des créanciers obligataires
Les obligataires sont des investisseurs ayant prêté des fonds à la société émettrice via des titres de créance (obligations). Contrairement aux fournisseurs ou aux banques, ils sont représentés collectivement par un mandataire de la masse, institué dès l’émission des obligations (articles L.228-46 et suivants du Code de commerce).
La masse des obligataires constitue une entité juridique dotée de la personnalité civile pour la défense de leurs intérêts communs. Elle peut se réunir en assemblée générale, désigner un mandataire et agir en justice pour défendre les droits des obligataires, notamment en cas de défaillance de la société émettrice.
2. La déclaration des créances obligataires
Dès l’ouverture de la procédure (redressement ou liquidation judiciaire), les obligataires deviennent, comme les autres, des créanciers chirographaires, sauf garanties spécifiques attachées à leurs titres.
Le mandataire de la masse doit déclarer la créance globale obligataire au mandataire judiciaire dans les deux mois de la publication du jugement d’ouverture au BODACC (art. L.622-24 et R.622-21 C. com.). Cette déclaration porte sur le montant total des obligations émises non remboursées, les intérêts échus et à échoir, et les éventuelles garanties attachées aux titres.
3. La participation des obligataires au plan de redressement
Le Code de commerce prévoit un cadre spécifique pour intégrer les obligataires à la négociation du plan de redressement : ils sont réunis en comité distinct, aux côtés des établissements de crédit et des fournisseurs (articles L.626-30-2 et suivants).
Le comité des obligataires est constitué lorsque la société a émis des obligations en circulation et qu’elle entre dans une procédure de redressement avec administrateur judiciaire. Ce comité est consulté sur le projet de plan élaboré par le débiteur et délibère sur les conditions de règlement du passif obligataire.
Le plan est adopté par le comité à la majorité des deux tiers du montant des créances exprimées. Cette majorité lie l’ensemble des obligataires, même ceux qui ont voté contre. Si le comité rejette le plan, le tribunal peut néanmoins l’arrêter s’il estime que la solution préserve mieux l’intérêt collectif des créanciers (art. L.626-31 C. com.).
4. Le sort des obligations et des intérêts
Pendant la période d’observation, le cours des obligations est gelé : les intérêts cessent de courir, les échéances sont suspendues et les droits attachés aux titres ne peuvent plus être exercés individuellement. En cas d’adoption d’un plan de redressement, les conditions de remboursement peuvent être rééchelonnées, partiellement remises ou converties en titres de capital (article L.626-10 C. com.).
5. Le cas du plan de cession : un rôle d’observateur
Lorsque la société fait l’objet d’un plan de cession, les obligataires perdent la qualité de créanciers de l’entreprise reprise : leurs créances sont transférées dans le passif de la société cédée. Ils ne disposent pas d’un droit de regard sur le choix du repreneur, mais peuvent être informés du projet de cession et formuler des observations auprès du juge-commissaire ou du ministère public.
Leur priorité devient alors de défendre leurs droits dans le cadre de la répartition du prix de cession, selon l’ordre légal des privilèges.
6. Le mandataire de la masse, porte-parole exclusif des obligataires
Durant toute la procédure, le mandataire de la masse conserve un rôle central. Il représente la collectivité des obligataires dans les négociations avec l’administrateur et le mandataire judiciaire, lors des réunions du comité des créanciers et, si besoin, devant le tribunal de commerce.
Il peut former appel des décisions affectant directement les intérêts des obligataires. En revanche, les obligataires individuels ne disposent d’aucun recours propre : toute action doit passer par le mandataire de la masse.
7. En pratique : une vigilance accrue des investisseurs obligataires
Les créanciers obligataires doivent vérifier la désignation effective du mandataire de la masse, s’assurer que la déclaration de créance a été effectuée dans les délais, et suivre la procédure en lien avec le mandataire pour anticiper les effets du plan sur leurs titres. Le recours à un avocat spécialisé en droit des entreprises en difficulté est essentiel pour coordonner les intérêts du mandataire de la masse avec les décisions stratégiques de la procédure.
À retenir
- Les obligataires sont représentés par un mandataire de la masse qui agit pour leur compte.
- Ils participent au comité des créanciers lorsqu’il est constitué et votent sur le plan.
- Leur recours individuel est exclu : seule la masse peut agir ou contester les décisions.
- En cas de plan de cession, leurs droits sont reportés sur le produit de la vente, sans pouvoir sur le choix du repreneur.



