Risques pour le dirigeant après une liquidation judiciaire : ce qu’il faut savoir
- Kahina BENNOUR
- 19 sept.
- 3 min de lecture
La liquidation judiciaire n’efface pas toujours les responsabilités du dirigeant. Même après la clôture de la procédure, celui-ci peut faire l’objet de sanctions civiles, pénales ou professionnelles.

1. La responsabilité pour insuffisance d’actif
Lorsqu’une liquidation judiciaire révèle une insuffisance d’actif, le tribunal peut engager la responsabilité du dirigeant pour faute de gestion.
Base légale : article L. 651-2 du Code de commerce (Légifrance) :
« Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut […] décider que les dettes sociales seront supportées […] par tous les dirigeants de droit ou de fait ayant contribué à cette insuffisance par une faute de gestion. »
👉 Depuis la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 (loi Sapin II), la simple négligence ne suffit plus pour condamner un dirigeant.
Jurisprudence clé :
Cass. com., 2 oct. 2024, n° 23-15.995 : la Cour rappelle que la réforme de 2016 s’applique immédiatement, y compris aux procédures en cours. Une simple négligence comptable ne suffit pas pour condamner un dirigeant.
Cass. com., 8 sept. 2021, n° 19-13.526 : un créancier peut agir individuellement contre le dirigeant si celui-ci a subi un préjudice personnel distinct du préjudice collectif des créanciers.
2. Les sanctions personnelles : faillite personnelle et interdiction de gérer
Outre le comblement de passif, le tribunal peut prononcer des sanctions personnelles contre le dirigeant fautif.
Base légale : articles L. 653-1 et suivants du Code de commerce (Légifrance).
Mesures possibles :
Faillite personnelle (art. L. 653-2),
Interdiction de gérer (jusqu’à 15 ans),
Interdiction de diriger, administrer ou contrôler toute entreprise.
Jurisprudence clé :
Cass. com., 17 juin 2020, n° 19-10.341 : confirmation que le juge peut cumuler la condamnation pour insuffisance d’actif et l’interdiction de gérer.
Jurisprudence constante : la preuve d’une insuffisance d’actif n’est pas nécessaire pour prononcer une interdiction de gérer (Cass. com., 2019 et s.).
3. La responsabilité pénale du dirigeant
La liquidation judiciaire ne fait pas disparaître la responsabilité pénale. Le dirigeant peut être poursuivi pour des infractions commises avant ou pendant la procédure :
Banqueroute (art. L. 654-2 du Code de commerce) : détournement d’actifs, tenue irrégulière de comptabilité, aggravation frauduleuse du passif.
Abus de biens sociaux (art. L. 241-3, 4° et L. 242-6, 3° du Code de commerce).
Infractions fiscales et sociales : fraude à la TVA, travail dissimulé, etc.
Les sanctions vont des amendes lourdes à des peines de prison, assorties d’interdictions professionnelles.
4. Les dettes personnelles qui subsistent
Même après la clôture de la liquidation, certaines dettes restent dues par le dirigeant :
Les cautions personnelles données auprès des banques,
Certaines dettes fiscales et sociales transférées personnellement en cas de faute caractérisée (art. L. 267 du Livre des procédures fiscales).
5. Le cas du dirigeant de fait
Le dirigeant de fait est une personne qui, sans mandat légal, exerce en pratique les pouvoirs de gestion de la société. La Cour de cassation exige trois critères : des actes positifs de gestion, exercés de manière indépendante et répétée (Cass. com., 15 déc. 2021, n° 20-16.644).
À ce titre, il encourt les mêmes sanctions qu’un dirigeant de droit :
Comblement de passif (art. L. 651-2 C. com.),
Faillite personnelle ou interdiction de gérer (art. L. 653-1 et s.),
Responsabilité pénale (banqueroute, abus de biens sociaux).
Exemple : un associé qui signe des contrats et dirige effectivement la société peut être qualifié de dirigeant de fait et condamné comme tel.
6. Conseils pratiques pour limiter les risques en cas de liquidation judiciaire
Pour réduire son exposition, un dirigeant doit :
Déclarer la cessation des paiements dans les 45 jours (art. L. 631-4 C. com.),
Tenir une comptabilité régulière,
Séparer strictement patrimoine social et personnel,
Se faire accompagner par un avocat en procédures collectives.
Conclusion
La liquidation judiciaire ne signifie pas la fin des responsabilités du dirigeant. Celui-ci peut être exposé à :
une responsabilité civile pour insuffisance d’actif (art. L. 651-2),
des sanctions professionnelles (faillite personnelle, interdiction de gérer, art. L. 653-1 et s.),
une responsabilité pénale (banqueroute, abus de biens sociaux, art. L. 654-2),
ainsi qu’à l’exécution de dettes personnelles (cautions, dettes fiscales).
Anticiper et agir avec transparence est essentiel pour limiter ces risques et envisager sereinement une nouvelle activité.



