Les dernières jurisprudences en faveur du sous-traitant non payé
- Kahina BENNOUR
- 29 juil.
- 4 min de lecture
La question du paiement des sous-traitants demeure un enjeu central dans la pratique des marchés privés et publics. Plusieurs décisions récentes illustrent la protection offerte aux sous-traitants par la loi du 31 décembre 1975 et la jurisprudence, tout en rappelant les conditions strictes à respecter pour bénéficier de l’action directe ou du paiement direct. Voici une synthèse des principales tendances jurisprudentielles récentes en faveur des sous-traitants non payés.

1. L’action directe du sous-traitant contre le maître d’ouvrage : une protection efficace sous conditions
La jurisprudence confirme que le sous-traitant peut agir directement contre le maître d’ouvrage pour obtenir le paiement des sommes dues, à condition de respecter les formalités prévues par la loi.
Ainsi, dans une affaire où la société FRANKI FONDATION, sous-traitant, n’avait pas été payée par l’entrepreneur principal placé en redressement judiciaire, la cour a jugé que l’action directe était recevable dès lors que le sous-traitant avait notifié une mise en demeure à l’entrepreneur principal et respecté les formalités requises. Le maître d’ouvrage, ne contestant pas la créance, a été condamné au paiement des factures et des intérêts moratoires (Tribunal Judiciaire de Marseille, 3e chambre cab a2, 21 mars 2024, n° 23/03678).
De même, le Tribunal Judiciaire de Nantes a reconnu le droit d’un sous-traitant à agir directement contre le maître d’ouvrage, en retenant que ce dernier ne pouvait ignorer l’intervention du sous-traitant et qu’il restait des sommes dues à l’entrepreneur principal. Le paiement a donc été ordonné en faveur du sous-traitant (Tribunal Judiciaire de Nantes, 7e chambre proc orales, 1er avril 2025, n° 24/00132).
2. Paiement direct dans les marchés publics : la rigueur de la procédure
En matière de marchés publics, la procédure de paiement direct est strictement encadrée. Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a ainsi jugé que le sous-traitant, ayant respecté la procédure de demande de paiement direct et en l’absence de contestation de l’entrepreneur principal dans le délai imparti, pouvait obtenir le paiement direct du maître d’ouvrage public. Le département a été condamné à payer la créance, les intérêts moratoires et l’indemnité forfaitaire de recouvrement (Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 3ème chambre, 3 avril 2025, n° 2209477).
3. Responsabilité du maître d’ouvrage en cas de manquement à ses obligations
La Cour d’appel de Colmar a rappelé que le maître d’ouvrage peut être condamné à indemniser le sous-traitant lorsque, par sa faute, il a privé ce dernier de la garantie de paiement prévue par la loi. Dans cette affaire, le maître d’ouvrage n’avait pas mis en demeure l’entrepreneur principal de s’acquitter de ses obligations envers le sous-traitant, ce qui a été jugé fautif et a justifié l’octroi de dommages-intérêts au sous-traitant (Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 27 janvier 2023, n° 21/00086).
4. Les limites de la protection : conditions de recevabilité de l’action directe
La jurisprudence rappelle également que la protection du sous-traitant n’est pas automatique. Plusieurs décisions récentes ont rejeté les demandes de sous-traitants en l’absence de respect des conditions légales :
La Cour d’appel de Lyon a refusé l’action directe d’un sous-traitant qui n’avait pas mis en demeure l’entrepreneur principal avant la liquidation judiciaire, condition préalable à l’action directe (Cour d'appel de Lyon, 8e chambre, 5 avril 2023, n° 21/02200).
La Cour d’appel d’Orléans a jugé irrecevable l’action directe d’un sous-traitant lorsque le maître d’ouvrage n’avait pas été informé correctement des conditions de paiement (Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 9 avril 2024, n° 21/00184).
Le Tribunal Judiciaire de Montpellier a également rejeté la demande d’un sous-traitant faute de preuve de l’acceptation des conditions de paiement par le maître d’ouvrage (Tribunal Judiciaire de Montpellier, Pole civil section 1, 8 novembre 2024, n° 22/04483).
5. Paiement du solde des travaux et frais de justice
Enfin, la jurisprudence récente admet le droit du sous-traitant au paiement du solde des travaux réalisés lorsque la demande est justifiée, même en cas de litige sur la résiliation du contrat (Cour d'appel de Rouen, 1re chambre civile, 13 mars 2024, n° 22/03982). Les juridictions accordent également fréquemment le remboursement des frais de justice au sous-traitant qui obtient gain de cause (Tribunal Judiciaire de Marseille, 3e chambre cab a2, 21 mars 2024, n° 23/03678 ; Tribunal Judiciaire de Nantes, 7e chambre proc orales, 1er avril 2025, n° 24/00132).
Conclusion
Les décisions récentes confirment la volonté des juridictions de protéger le sous-traitant non payé, à condition que celui-ci respecte scrupuleusement les formalités prévues par la loi du 31 décembre 1975. L’action directe et le paiement direct demeurent des outils efficaces, mais leur succès dépend du respect des procédures et de la preuve des créances. Les maîtres d’ouvrage et entrepreneurs principaux doivent donc être vigilants dans la gestion de la sous-traitance, sous peine d’être condamnés au paiement des sommes dues et des frais de justice.
Sources citées
Cour d'appel de Lyon, 8e chambre, 5 avril 2023, n° 21/02200. Lire en ligne :
Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 27 janvier 2023, n° 21/00086. Lire en ligne :
Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 3ème chambre, 3 avril 2025, n° 2209477. Lire en ligne :
Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 9 avril 2024, n° 21/00184. Lire en ligne :
Tribunal Judiciaire de Nantes, 7e chambre proc orales, 1er avril 2025, n° 24/00132. Lire en ligne :
Tribunal Judiciaire de Montpellier, Pole civil section 1, 8 novembre 2024, n° 22/04483. Lire en ligne :
Cour d'appel de Rouen, 1re chambre civile, 13 mars 2024, n° 22/03982. Lire en ligne :
Tribunal Judiciaire de Marseille, 3e chambre cab a2, 21 mars 2024, n° 23/03678. Lire en ligne :



