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La mise en état conventionnelle depuis le 1er septembre 2025 : retour sur le décret 2025-660 du 18 juillet 2025 qui créé le nouvel article 127 du Code de procédure civile

  • Photo du rédacteur: Kahina BENNOUR
    Kahina BENNOUR
  • 1 sept.
  • 9 min de lecture

La mise en état conventionnelle depuis le 1er septembre 2025 : clarification du mécanisme et intérêt pour les parties

La réforme du 1er septembre 2025, qui consacre la primauté de la mise en état conventionnelle à l’article 127 du Code de procédure civile, marque une évolution majeure dans la conduite des procédures civiles. Cette nouvelle rédaction, en inversant le principe traditionnel de la mise en état judiciaire, vise à renforcer l’autonomie des parties, à fluidifier le déroulement du procès et à promouvoir la résolution amiable des litiges. L’analyse du nouveau texte, éclairée par la jurisprudence récente, permet de mesurer la portée de cette réforme tant sur la clarté du mécanisme que sur l’intérêt pratique pour les parties.

Dès l’entrée en vigueur de cette réforme, la mise en état conventionnelle devient la règle, la mise en état judiciaire n’intervenant qu’à titre subsidiaire. Cette mutation s’inscrit dans un mouvement plus large de modernisation et de simplification du droit processuel, dont l’objectif est de rendre la justice plus accessible, plus efficace et plus adaptée aux besoins des justiciables.

article 127 du code de procédure civile

L’article 127 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue de la réforme, dispose désormais que "Dans le respect des principes directeurs du procès, les affaires sont instruites conventionnellement par les parties. A défaut, elles le sont judiciairement. Les affaires instruites conventionnellement font l'objet d'un audiencement prioritaire." (Article 127 du Code de procédure civile).

Cette disposition opère un renversement de perspective : la mise en état conventionnelle, c’est-à-dire organisée par les parties elles-mêmes, devient le mode normal d’instruction du procès. La mise en état judiciaire, sous l’égide du juge, n’est plus qu’une solution supplétive, applicable en cas d’échec ou d’absence d’accord entre les parties.

Cette évolution s’inscrit dans la continuité des objectifs fixés par le législateur, tels qu’énoncés à l’article 8 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, qui autorise le gouvernement à "moderniser, simplifier, améliorer la lisibilité, renforcer l’accessibilité du droit commun des contrats, du régime des obligations et du droit de la preuve, de garantir la sécurité juridique et l’efficacité de la norme" (Article 8 de la LOI n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (1)).

La convention de procédure participative, prévue à l’article 2062 du Code civil, s’inscrit également dans ce mouvement. Elle est définie comme "une convention par laquelle les parties à un différend s'engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige. Cette convention est conclue pour une durée déterminée." (Article 2062 du Code civil).

Ainsi, la réforme du 1er septembre 2025 s’appuie sur un socle législatif cohérent, qui promeut l’autonomie des parties, la contractualisation de la procédure et la recherche de solutions amiables.


Clarté du mécanisme de la mise en état conventionnelle

La nouvelle rédaction de l’article 127 du Code de procédure civile clarifie le mécanisme de la mise en état en posant un principe simple : la priorité donnée à l’organisation conventionnelle de l’instruction du procès. Cette clarification se traduit par plusieurs éléments.

D’abord, le texte affirme explicitement la primauté de la mise en état conventionnelle, reléguant la mise en état judiciaire au rang de solution subsidiaire. Cette hiérarchisation des modes d’instruction met fin à l’ambiguïté qui pouvait exister dans l’ancien dispositif, où la mise en état judiciaire était la règle, la convention n’étant qu’une faculté.

Ensuite, la mention du respect des principes directeurs du procès garantit que la liberté contractuelle des parties ne saurait porter atteinte aux droits fondamentaux du procès équitable, tels que le contradictoire, l’égalité des armes et la loyauté des débats. Cette exigence de conformité aux principes directeurs du procès est essentielle pour assurer la sécurité juridique et la protection des parties les plus faibles.

Enfin, l’audiencement prioritaire des affaires instruites conventionnellement constitue un incitatif fort à l’adoption de ce mode d’organisation. En réservant un traitement préférentiel à ces affaires, le législateur entend encourager les parties à s’approprier la conduite de leur procès et à privilégier la coopération sur l’affrontement.

La jurisprudence récente illustre la mise en œuvre de ce nouveau mécanisme. Ainsi, le Tribunal Judiciaire de Paris a rappelé que "les parties souhaitant recourir à la médiation peuvent choisir de réaliser une médiation conventionnelle dans les conditions des articles 1530 et suivants du code de procédure civile ou solliciter sans délai du juge de la mise en état, une mesure médiation judiciaire dans les conditions des articles 131-1 et suivants de ce même code" (Tribunal Judiciaire de Paris, 18deg chambre 2e section, 21 juillet 2025, n° 23/13423). Cette décision met en lumière la souplesse offerte par la procédure conventionnelle, qui permet aux parties de choisir le mode de résolution le plus adapté à leur situation.

De même, le Tribunal Judiciaire de Paris a souligné l’importance de la rencontre préalable avec un médiateur, en précisant que "dans l'hypothèse où les parties donneraient leur accord à une mesure de médiation conventionnelle à l'issue du rendez-vous avec le médiateur, celui-ci pourra immédiatement commencer sa mission et en informera le juge de la mise en état" (Tribunal Judiciaire de Paris, 18deg chambre 2e section, 21 juillet 2025, n° 23/13423). Cette organisation flexible et réactive illustre la clarté et l’efficacité du nouveau dispositif.


Intérêt de la mise en état conventionnelle pour les parties

L’intérêt de la mise en état conventionnelle pour les parties est multiple. Il réside d’abord dans la maîtrise accrue du calendrier et des modalités de la procédure. Les parties peuvent, par accord, fixer les délais d’échange des écritures, organiser la communication des pièces, déterminer les modalités de l’instruction et, le cas échéant, prévoir des mesures de médiation ou de conciliation.

Cette autonomie procédurale favorise la responsabilisation des parties et de leurs conseils, qui deviennent les véritables acteurs de la conduite du procès. Elle permet également d’adapter la procédure aux spécificités du litige, en tenant compte de sa complexité, de l’urgence ou de la volonté des parties de préserver la confidentialité des échanges.

La jurisprudence met en avant l’efficacité de ce mode d’organisation. Ainsi, le Tribunal Judiciaire de Paris a jugé que "dans l'hypothèse où les parties souhaiteraient recourir à une médiation judiciaire à l'issue du rendez-vous avec le médiateur, elles en informeront immédiatement par message RPVA le juge de la mise en état" (Tribunal Judiciaire de Paris, 18deg chambre 2e section, 21 juillet 2025, n° 23/13423). Cette réactivité et cette souplesse sont particulièrement précieuses dans les litiges complexes ou évolutifs.

Par ailleurs, la mise en état conventionnelle favorise la recherche de solutions amiables. En permettant aux parties de s’accorder sur les modalités de la procédure, elle crée un climat de coopération propice à la négociation et à la médiation. Le juge conserve toutefois un rôle de garant du respect des principes directeurs du procès et peut intervenir en cas de blocage ou de déséquilibre manifeste.

La jurisprudence récente confirme l’intérêt de la mise en état conventionnelle pour la résolution amiable des litiges. Le Tribunal Judiciaire de Paris a ainsi rappelé que "lors de l'audience, il est apparu la possibilité de résolution du litige dans le cadre d'une médiation judiciaire et l'affaire présente en effet des critères d'éligibilité à une mesure de médiation. Il paraît en effet particulièrement opportun que les parties puissent rechercher ensemble, avec l'aide d'un tiers neutre, une solution négociée dans un cadre confidentiel, pour tenter de résoudre le litige qui les oppose, et également évoquer dans un cadre plus large les suites à donner à leurs relations contractuelles" (Tribunal Judiciaire de Paris, 18deg chambre 1re section, 4 juin 2024, n° 23/08854).

Enfin, la mise en état conventionnelle présente un intérêt économique non négligeable. En réduisant les délais et les coûts liés à l’intervention du juge, elle permet aux parties de maîtriser le budget de la procédure et d’optimiser la gestion de leur litige.


Limites et garanties de la mise en état conventionnelle

Si la mise en état conventionnelle présente de nombreux avantages, elle n’est pas dépourvue de limites. Le respect des principes directeurs du procès constitue une garantie essentielle contre les dérives potentielles, telles que l’exclusion d’une partie, l’inégalité des armes ou la violation du contradictoire.

Le juge conserve un pouvoir de contrôle et d’intervention. En cas d’échec de la mise en état conventionnelle, d’absence d’accord ou de manquement aux principes directeurs, la mise en état judiciaire reprend ses droits. Le juge peut alors fixer le calendrier, ordonner des mesures d’instruction et veiller au bon déroulement de la procédure.

La jurisprudence rappelle que "dans le respect des principes directeurs du procès, les affaires sont instruites conventionnellement par les parties. A défaut, elles le sont judiciairement" (Article 127 du Code de procédure civile). Cette articulation entre autonomie des parties et intervention du juge garantit l’équilibre du dispositif.

En outre, la mise en état conventionnelle suppose une certaine maturité procédurale des parties et de leurs conseils. Elle requiert une capacité à négocier, à anticiper les difficultés et à respecter les engagements pris. En cas de défaillance, la sanction peut être le retour à la mise en état judiciaire, avec les contraintes et les délais que cela implique.


Articulation avec les autres modes de résolution amiable

La mise en état conventionnelle s’articule avec les autres modes de résolution amiable des litiges, tels que la médiation, la conciliation ou la procédure participative. L’article 2062 du Code civil, qui définit la convention de procédure participative, souligne l’importance de la bonne foi et de la coopération dans la conduite du procès (Article 2062 du Code civil).

La jurisprudence met en avant la complémentarité de ces dispositifs. Ainsi, le Tribunal Judiciaire de Paris a rappelé que "les parties souhaitant recourir à la médiation peuvent choisir de réaliser une médiation conventionnelle dans les conditions des articles 1530 et suivants du code de procédure civile ou solliciter sans délai du juge de la mise en état, une mesure médiation judiciaire dans les conditions des articles 131-1 et suivants de ce même code" (Tribunal Judiciaire de Paris, 18deg chambre 2e section, 21 juillet 2025, n° 23/13423).

Cette articulation permet d’offrir aux parties un éventail de solutions adaptées à la nature et à la complexité du litige, tout en préservant la possibilité d’un recours au juge en cas de besoin.


La jurisprudence

La jurisprudence récente illustre la mise en œuvre concrète de la mise en état conventionnelle et ses effets sur la conduite du procès.

Dans une affaire jugée par le Tribunal Judiciaire de Paris, la cour a rappelé que "la clôture de la mise en état a été prononcée par ordonnance du 13 décembre 2023. Les demandeurs ont adressé des conclusions au fond le 10 septembre 2024. L'affaire est venue à l'audience de plaidoiries du 06 novembre 2024. Le conseil de la défenderesse a soulevé oralement à l'audience l'irrecevabilité des dernières conclusions des demandeurs du 10 septembre 2024, postérieures à la clôture de la mise en état. Le conseil des demandeurs a répliqué qu'il s'agissait d'une actualisation des charges contestées. L'affaire a été mise en délibéré au 15 janvier 2025." (Tribunal Judiciaire de Paris, 18deg chambre 2e section, 15 janvier 2025, n° 22/02462).

Le tribunal a jugé que "en vertu de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture de la mise en état, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, à l'exception toutefois, des conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que des demandes de révocation de ladite clôture." Le tribunal a donc déclaré irrecevables les conclusions postérieures à la clôture, illustrant ainsi la rigueur du dispositif et la nécessité pour les parties de respecter le calendrier fixé, qu’il soit conventionnel ou judiciaire.

Dans une autre affaire, le Tribunal Judiciaire de Paris a accepté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture en raison de circonstances nouvelles, rappelant que "la cour a estimé que les circonstances présentées par la société GECITER caractérisent une cause grave survenue après l'ordonnance de clôture, justifiant ainsi la révocation de celle-ci" (Tribunal Judiciaire de Paris, 18deg chambre 2e section, 21 juillet 2025, n° 23/13423). Cette décision montre que la flexibilité du dispositif permet de tenir compte des aléas de la procédure, tout en préservant la sécurité juridique.

Enfin, la jurisprudence rappelle que la mise en état conventionnelle ne saurait porter atteinte aux droits fondamentaux du procès. Le respect des principes directeurs, la possibilité d’intervention du juge et la sanction des manquements garantissent l’équilibre du dispositif et la protection des parties.


Conclusion

La réforme du 1er septembre 2025, en consacrant la primauté de la mise en état conventionnelle à l’article 127 du Code de procédure civile, clarifie le mécanisme d’instruction du procès et renforce l’intérêt des parties à s’approprier la conduite de leur litige. Ce nouveau paradigme, fondé sur l’autonomie, la coopération et la recherche de solutions amiables, offre une plus grande souplesse, une meilleure adaptation aux besoins des justiciables et une efficacité accrue de la justice civile. La jurisprudence récente confirme la pertinence et l’efficacité de ce dispositif, tout en soulignant la nécessité de respecter les principes directeurs du procès et de garantir l’équilibre entre autonomie des parties et intervention du juge. La mise en état conventionnelle s’impose ainsi comme un outil moderne, clair et efficace au service d’une justice plus accessible et plus adaptée aux enjeux contemporains.






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